Cet article a été publié sur Agra Alimentation, le média des enjeux de stratégiques et financiers de l’agroalimentaire.
Le nouveau règlement (UE) n°2015/2283 sur les aliments nouveaux, est entré en vigueur le 1er janvier 2018. Tout en intégrant expressément, de nouvelles catégories d’aliments, telles que les insectes, ou les nanomatériaux, il harmonise et simplifie la procédure d’autorisation de mise sur le marché de ce type de denrées et apparait, dès lors, davantage comme un outil, plutôt qu’un obstacle à l’innovation.
Il convient de rappeler qu’un aliment nouveau (ou novel food) est défini depuis 1997, sur la base de deux critères : le fait qu’il n’ait pas été consommé de manière régulière avant le 15 mai 1997, et qu’il appartienne à au moins une des catégories listées dans le texte. Cette approche n’est pas modifiée par le nouveau règlement.
En effet, les nouveaux aliments font l’objet d’une présomption de nocivité, leur innocuité doit donc être établie préalablement à leur mise sur le marché. L’objectif affiché de la nouvelle réglementation est notamment de mettre en place une procédure d’autorisation qui soit plus efficace, rapide et transparente, tout en maintenant un niveau de sécurité élevé.
Définition élargie sur le statut novel food
Tout en reprenant la définition traditionnelle des aliments nouveaux, comme étant toute denrée alimentaire dont la consommation humaine était négligeable au sein de l’Union avant le 15 mai 1997, le nouveau règlement vient compléter les catégories auxquelles peuvent appartenir ces substances.
Il intègre ainsi, les aliments d’origine minérale, issus de culture cellulaires ou composés de nanomatériaux, ainsi que les aliments fabriqués, isolés ou produits à partir d’animaux.Les insectes sont donc désormais considérés – sans ambiguïté – comme des aliments nouveaux.
Néanmoins, il appartient aux seuls opérateurs qui souhaitent commercialiser un aliment possiblement « nouveau », de déterminer si celui-ci relève, ou pas, du règlement. Le nouveau règlement prévoit, à cet égard, qu’ils pourront consulter les autorités nationales sur le statut novel food d’un aliment, tout en assurant la confidentialité des données fournies.
Procédure d’autorisation préalable plus simple et rapide
Les demandes de mise sur le marché doivent désormais être soumises directement à la Commission européenne, qui en publie un résumé. ÀA ce titre, quinze demandes ont déjà été déposées depuis le début de l’année.
L’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) procède alors à l’évaluation scientifique du nouvel aliment en vérifiant si la composition de l’aliment et ses conditions d’utilisation ne présentent aucun risque en matière de sécurité pour la santé humaine dans l’Union.
A ce titre, elle préconise que les dossiers soumis incluent des données sur la composition, sur les propriétés nutritionnelles, toxicologiques et allergènes, mais également, des informations relatives au processus de fabrication et aux utilisations du nouvel aliment.
Le nouveau règlement a largement accéléré la procédure d’autorisation, qui devrait durer au total 18 mois.
Procédure simplifiée pour les aliments traditionnels en provenance des pays tiers
Pour certains aliments « exotiques », le nouveau règlement prévoit que les demandeurs doivent être en mesure de choisir une procédure plus rapide et plus simple.
Il s’agit des « aliments traditionnels en provenance de pays tiers », issus de la production primaire, qu’il s’agisse d’aliments transformés ou non, qui ont un historique d’utilisation sûre en tant que denrées alimentaires, dans au moins un pays extérieur à l’UE, pendant une période de 25 ans au minimum.Le plus souvent, il s’agit d’aliments fabriqués à partir de plantes, de micro-organismes ou de champignons.
Le demandeur peut simplement notifier l’aliment à la Commission européenne, sans avoir à effectuer de tests couteux pour justifier son innocuité. A ce titre, deux notifications ont déjà été déposées pour les baies d’Hasak et le fonio blanc en mars 2018.
La Commission transmet le dossier aux Etats-membres et à l’EFSA, qui ont alors 4 mois pour formuler des « objections de sécurité dument motivées », c’est-à-dire une déclaration scientifique indiquant en quoi l’aliment traditionnel pourrait présenter un risque pour la santé humaine.
Dans cette hypothèse, le demandeur a la possibilité de transformer sa notification en demande d’autorisation « normale », tout en répondant aux objections soulevées. L’EFSA est saisie pour avis et dispose alors de 6 mois pour évaluer des risques selon une approche différente : une analyse restreinte, axée sur l’historique d’utilisation sûre.
Au lieu et place d’autorisations nominatives, le nouveau règlement a mis en place une liste de l’Union compilant exhaustivement toutes les autorisations déjà données, ainsi que celles que la Commission sera amenée à délivrer dans le futur. Mais désormais, ces autorisations seront génériques.
La protection des données fournies par le demandeur
Afin de contrebalancer, quelque peu, le caractère désormais générique des autorisations « novel food », le demandeur peut désormais solliciter un droit de référence exclusif pour les données scientifiques nouvellement établies qu’il fournit et ce, pour une durée de 5 ans. Cependant, cette possibilité n’est pas prévue dans le cadre de la procédure simplifiée pour les aliments traditionnels.
En conclusion, et bien qu’il soit à la fois, difficile de résumer cette nouvelle réglementation en quelques paragraphes, mais surtout d’en tirer des conséquences avec un recul de seulement quelques mois, on peut néanmoins déjà considérer que ce nouveau cadre règlementaire va permettre aux opérateurs d’envisager plus sereinement toute innovation.
En effet, les ambitions affichées de la Commission européenne d’accompagner désormais les opérateurs plutôt que de les freiner, trouve déjà une illustration dans la plus grande visibilité quant à la durée des procédures proposées, la protection des données désormais proposée ou encore, la mise en place de cette « notification » pour aliments des pays tiers. Tout cela semble de très bon augure.