As ‘clean’ eating has become more desirable, food manufacturers have re-assessed how they are labelling their foods in a bid to boost the appeal of their products. This includes manufacturers replacing additives (‘E numbers’) with ‘natural’ ingredients that have the same function. It’s easy to understand the attractiveness of such a swap, but to be compliant in the eyes of the law, labelling functional ingredients must be considered from many angles. In an article for the french publication Agra Alimentation, Katia Merten-Lenz explores the topic further. Read the full article here below (in French).
This article was first published in Agra Alimentation on 24 July 2019.
Le statut juridique incertain des ingrédients «fonctionnels»
Depuis plusieurs années, les industriels sont de plus en plus nombreux à suivre la tendance du clean label, afin de répondre à la demande des consommateurs, pour des produits toujours plus authentiques et naturels. En pratique, le clean label vise à éliminer les « numéros E », c’est-à-dire les additifs alimentaires – qui suscitent désormais la méfiance des consommateurs – pour les remplacer par des ingrédients « naturels », mais ayant la même fonction dans la denrée finale.
Avant tout , il convient de rappeler que le règlement (UE) 1169/2011 relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (1) (dit règlement Inco) requiert que toute denrée alimentaire préemballée comporte une liste d’ingrédients (2), énumérant toutes les substances utilisées dans la fabrication, ou la préparation d’une denrée alimentaire (3). Les additifs alimentaires, explicitement considérés comme ingrédients par le règlement Inco (4), sont toutefois soumis à des règles techniques spécifiques (5), puisqu’ils doivent être étiquetés par le nom de la catégorie correspondant à la fonction principale qu’ils exercent dans la denrée alimentaire, suivi de leur nom spécifique ou de leur numéro E (6) – par exemple : « antioxydant : acide citrique » ou « antioxydant : E 330 ».
Dans le règlement (CE) 1333/2008 (7), les additifs alimentaires sont légalement définis comme « toute substance habituellement non consommée comme aliment en soi et non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l’alimentation », ayant été ajoutée à un autre aliment pour remplir une fonction technologique (conservateur, colorant, anti-agglomérant, etc.) et qui devient l’un des composants de la denrée à laquelle elle est ajoutée. Il est important de souligner que seuls les additifs alimentaires autorisés et inclus dans la liste communautaire des additifs alimentaires, peuvent être utilisés comme ingrédients d’autres denrées alimentaires, conformément aux spécifications établies dans le règlement (UE) 231/2012 (8).
Aussi, la détermination du statut juridique d’une substance donnée, à savoir s’il s’agit d’un ingrédient « ordinaire » ou d’un additif, est cruciale pour les exploitants du secteur alimentaire, compte tenu des conséquences sur les conditions légales d’utilisation et d’étiquetage de la denrée finale.
Or, il y a lieu de souligner que la frontière entre les substances habituellement consommées en tant que telles, ou caractéristiques dans l’alimentation, et celles qui ne le sont pas, est loin d’être évidente. Même si le considérant 5 du règlement additif précise effectivement que « les substances considérées comme denrées alimentaires et susceptibles d’avoir une fonction technologique, comme le chlorure de sodium ou le safran – utilisé comme colorant (…) ne devraient pas entrer dans le champ d’application du présent règlement », il ajoute que « toutefois, devraient être considérées comme des additifs au sens du présent règlement les préparations obtenues à partir de denrées alimentaires et d’autres matières de base naturelles alimentaires par extraction physique et/ou chimique conduisant à une extraction sélective des constituants (par exrmple les pigments) par rapport aux constituants nutritifs ou aromatiques ».
Aussi, se pose la question de savoir jusqu’à quel point un ingrédient peut être transformé pour être encore considéré comme “normalement consommé comme aliment”. Par exemple, alors que le jus de citron sera clairement identifié comme un ingrédient « commun » et l’acide citrique, comme un additif alimentaire (E330), quel sera le statut d’un jus de citron concentré ? Doit-on assimiler le processus de concentration, conduisant nécessairement à une teneur plus importante en acide citrique, à une extraction sélective ? Et doit-on distinguer plusieurs hypothèses, en fonction de la concentration en acide citrique du jus concentré ?
Le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (SCOPAFF) (9) en déclarant, le 18 septembre 2018, que toute utilisation d’extraits d’origine végétale ajoutés à des denrées alimentaires qui atteignent un niveau de constituants (ou de leurs précurseurs) capable de remplir une fonction technologique, doit être considérée comme une utilisation délibérée d’additifs alimentaires, avec toutes les conséquences juridiques applicables, est loin d’être venue clarifier la situation.
En effet, bien que les avis du SCOPAFF ne soient pas juridiquement contraignants, ils sont utilisés par les autorités nationales de contrôle, à qui revient la charge de décider, au cas par cas, du statut juridique des ingrédients utilisés, comme de véritables lignes directrices. Or, il semblerait que certains États membres aient tendance à appliquer cette opinion, très/trop largement, dès lors qu’un ingrédient naturel, serait susceptible d’exercer une fonction technologique (jus de citron, vinaigre, moutarde, etc.) (10). En d’autres termes, sur la base d’un simple avis, visant des situations frauduleuses d’ingrédients consistant en réalité en des additifs, certains États membres ont construit une récente présomption en requalifiant systématiquement n’importe quel ingrédient en additif dès lors qu’un aspect fonctionnel peut être trouvé.
Dans ce contexte et compte tenu du risque élevé de poursuites pour étiquetage trompeur, les industriels doivent sécuriser le positionnement juridique des ingrédients qu’ils utilisent à des fins technologiques, afin d’éviter qu’ils ne tombent sous le coup de la réglementation relative aux additifs alimentaires.
1) Règlement (UE) 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, JO L 304 du 22.11.2011, p. 18–63
2) Règlement INCO, article 9(1) point b)
3) Règlement INCO, article 17(1)
4) Règlement INCO, article 2(2) point f)
5) Règlement INCO, article 18(4)
6) Règlement INCO, annexe VII, partie C
7) Règlement (CE) 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires, JO L 354 du 31.12.2008, p.16
8) Règlement (UE) 231/2012 de la Commission du 9 mars 2012 établissant les spécifications des additifs alimentaires énumérés aux annexes II et III du règlement (CE) 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil, JO L 83 du 22.3.2012, p. 1
9) Le SCOPAFF est comité composé de représentants de tous les Etats membres et présidé par un représentant de la Commission, qui émet des avis sur les mesures que la Commission envisage d’adopter. Il peut également examiner toute autre question relevant de la législation alimentaire européenne, soit à l’initiative de son président, soit sur demande écrite de l’un de ses membres.
10) Question écrite à la Commission E-000640/2019
La déclaration du 18 septembre 2018 du SCOPAFF est loin d’être venue clarifier la situation